I. Je suis une vieille femme

et ça se voit.

Ne regarde pas mes cheveux blancs
mes rides, mes mains tâchées fatiguées
mes bras qui tremblote de mollesse
Je ne t’ai jamais dit que je voulais paraître jeune 
et que je craignais le temps qui vite passe
mes cheveux d’argent de roux de couleur foin séché
ne sont pas signes de négligence 
ils sont mon diadème d’herbes folles 
fabriqué avec toutes mes larmes et mes joies 
toutes mes douleurs  mes blessures 
tout ce qui m’a fait rester debout 
Chaque cheveux que je perds est un bout de ma prairie 
semée au fil des saisons
Quant à mes rides qui ont lentement mais surement
modifiés mon masque de fête
si elles dérangent les jeunes peaux
moi en les suivant avec mon doigt
je refais le voyage entre rires inquiétudes insomnies et nuits d’amour
malheurs et grands bonheurs
lassitude et frénésie
horizon radieux ou complètement bouché
vraie carte routière des chemins parcourus
vraie preuve tangible d’un parcours 
entre école buissonnière et écoles de vie
oui mes mains racontent 
la mère qui soignait qui berçait
qui cuisinait qui enseignait qui jardinait
mains d’artisane artiste qui à ses heures œuvraient
tu voudrais que je les cache
que  je ne colore pas mes ongles de vermillon
que je mette des filtres fades sur mon histoire ?
Mais non mon gars
pour moi vieillir est un beau privilège
J’ai envie que tout le monde s’en aperçoive
Je suis fière d’être arrivée jusqu’ici
Je n’ai pas le visage lisse
Je n’ai pas des mains claires et douces
mais avec toutes mes fêlures
si tu voyais mon intérieur
il est lumineux l’esprit libre
Il marche pieds nus dans la rosée
Il amasse dans ses poches percées
tous les cadeaux de la terre
Il croise le beau à chaque coin de rue
Il va au-devant du désespoir
pour dire ma foi 
être une vieille femme 
c’est quand même extra
oui extra et pas si ordinaire que ça.

jamadrou  JD