Petits pas de côté en 2022

Je ne suis pas dans mon assiette

La minute m’a dit : « Presse-moi dans ta main,
Tu ne sais aujourd’hui si tu seras demain.
Ainsi prends tout le suc qui m’enfle comme une outre,
ne tourne pas la tête et ne passe pas outre,
Vis-moi !…dans un instant, je serai du passé.
Mais tu ne sais peut-être au juste ce que c’est
qu’étreindre dans ses bras la minute qui passe.
Si tu comprends la splendeur grave de l’espace
qui te laissait jadis indifférent et froid,
si tu sais accepter la douleur sans effroi,
si tu sais jouir d’un très subtil parfum de rose,
si pour toi le couchant est une apothéose,
si tu pleures d’amour, si tu sais voir le beau,
alors suis sans trembler la route du tombeau.
Tu vivras de chansons, de splendeurs, de murmures.
Le chemin n’est plus long si l’on cueille ses mûres,
et je suis près de toi la mûre du chemin ! « 
La minute m’a dit : « Presse-moi dans ta main. »  

 Jean COCTEAU 
Poème extrait de son recueil Œuvres poétiques complètes

Je viens de lire ce poème ici chez  "lisapascaretti"  Plumes, pointes, palettes et partitions clic




J'ai levé les yeux et là dans mon atelier
j'ai vu cette assiette accrochée il a tant d'années!
À la minute même j'ai souris 
et je m'suis dit:
 "je sais au juste ce que c’est
qu’étreindre dans ses bras la minute qui passe."
" Quand Jean Cocteau et Jean Marais habitaient tous deux Place de la Madeleine à Paris, Cocteau avait pour habitude de glisser la nuit des poèmes sous la porte de la chambre de Jean Marais."

LE SOLEIL NOIR

Le portrait sera ressemblant 
Comme le blanc ressemble au blanc 
Et comme la rose à la rose
C'est pareil et c'est autre chose.

Il est ressemblant ce portrait
Mais c'est à nos coeurs qu'il ressemble
Lorsque tu dessines mes traits
Nos traits se tissent tous ensemble.

L'orage éclate après l'amour
(II éclate après notre orage)
Et l'éclair illumine autour
Le soleil noir de ton visage.

Clément Eugène Jean Maurice Cocteau, Jean Cocteau (1889 -1963), in Le soleil noir, Le Livre blanc,

8 réflexions au sujet de “Je ne suis pas dans mon assiette”

  1. Elle t’attendait cette assiette, comme on attend une main, qui se tend, un sourire, un instant ,présent. Elle vit à travers toi maintenant. A chaque regard que tu lui feras, nous serons là nous aussi. Et le présent deviendra passé, et le passé futur.
    Carpe diem
    bises

    Aimé par 1 personne

    1. Des décors d’une certaine époque… Cocteau, Jean Marais, céramistes peintres écrivain, théâtreux.., couple d’artistes mythiques couple terrible
      et comme tu le dis si bien Mamazerty à la sensibilité particulière

       » Quand Jean Cocteau et Jean Marais habitaient tous deux Place de la Madeleine à Paris, Cocteau avait pour habitude de glisser la nuit des poèmes sous la porte de la chambre de Jean Marais. »

      LE SOLEIL NOIR

      Le portrait sera ressemblant
      Comme le blanc ressemble au blanc
      Et comme la rose à la rose
      C’est pareil et c’est autre chose.

      Il est ressemblant ce portrait
      Mais c’est à nos coeurs qu’il ressemble
      Lorsque tu dessines mes traits
      Nos traits se tissent tous ensemble.

      L’orage éclate après l’amour
      (II éclate après notre orage)
      Et l’éclair illumine autour
      Le soleil noir de ton visage.

      Jean Cocteau (1889 -1963), in Le soleil noir, Le Livre blanc,

      J’aime

      1. Magnifique. J’habite maintenant la petite ville où repose jean Cocteau,citoyen d’honneur pour l’éternité. Je creuse sa vie et son œuvre multiforme, à la recherche de clés. Cocteau une énigme magnifique, » inconcevable » a écrit Marais.. j’attends les beaux jours pour visiter sa maison et son jardin surtout. Les vers que tu cites sont très touchants.merci

        Aimé par 1 personne

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